mardi 14 mai 2013

Ne les voyez-vous pas ?

A Damas. Photographie Nicolas T. Camoisson
Du haut de vos tours, dans l'illusoire sérénité de vos bureaux, assis sur vos carrières parfaites, vous les regardez.

Depuis deux ans vous les regardez.

Ils vous ont dit qu'ils se levaient. Debout, ils ont hissé des roses et des rameaux d'oliviers en guise de drapeaux. Ils ont dit qu'ils voulaient être libres, vivre dans la paix, loin de l'étau sordide des discordes. Unis, ensemble, pour un même pays, une même vision, un même avenir.

Vous avez regardé leurs rues, leurs marches, leurs danses.

Et vous avez regardé leurs corps qui tombaient, fauchés par ceux que vous hésitiez à condamner.

Vous regardiez toujours, quand, malgré la rage froide employée à les détruire, ils ont continué à se relever, à marcher encore, à chanter encore pour l'unité, pour la liberté, pour l'avenir.

Mais du haut de vos tours, dans le moelleux de vos prudences, vous avez choisi d'attendre. Et vous vous êtes organisés pour rythmer vos discours, lustrer vos raisons, argumenter l'immobilisme.

Et pendant que les armes étouffaient peu à peu tous les chants des possibles, vous avez regardé, analysé, décortiqué, suggéré comme on murmure, et pensé, beaucoup pensé à vous réunir pour y penser encore.

Et chaque vie d'exil, chaque maison perdue, chaque enfance claquée pour un jeu méprisable
Vous les regardez
Et dans les yeux des mères, et la pierre souillée, et la dérive en tout, l'incendie des mémoires
Vous les regardez
Vous les regardez

Ils vous disent qu'ils meurent
Ne les voyez-vous pas ?

Marion Coudert


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