vendredi 17 mai 2013

Si l'on vous dit...

Si l'on vous dit qu'un homme-loup a mangé le coeur d'un autre homme, ne vous détournez pas. Répondez que, depuis deux ans, des hommes-loups mangent le coeur de mon peuple, qu'ils le rongent, qu'ils l'assoiffent, qu'ils le blessent, le piétinent, l'humilient, qu'ils l'étouffent.
Et qu'ils voudraient l'anéantir.

Et dites aussi que dans le coeur de mon peuple, il y a le coeur de ces enfants brûlés sur l'autel de la sauvagerie d'un homme-serpent protégé par ses ombres.

Si l'on vous dit que des hommes-vautours ont pris d'assaut les chemins ouverts par nos marches et qu'ils obstruent tout sous leur bannière noire et qu'ils veulent imposer une loi rocailleuse. Si l'on vous dit que nous les suivons, ne vous détournez pas. Répondez que les hommes-vautours partiront quand notre terre redeviendra la nôtre. Et qu'ils ne sont chez nous que pour l'odeur de la mort. Et que nous n'aimons que l'odeur de la vie et n'avons marché, fiers et confiants, que pour la célébrer.

Et dites aussi que mon pays est un pays-prison, qu'on y torture à tour de bras, sans plus aucun regard pour l'âge et la fragilité, que nous mourons d'exils indignes, des maltraitances du silence et de la terreur du présent.

Si l'on vous dit que nous sommes un peuple de paille qui a pris feu et en exulte. Ne vous détournez pas. Répondez que mon peuple qui se noie est un peuple de paix.

Et parlez de nous. De la bonté de nos matins, de la clarté de notre terre, de la douceur de nos parents, de la lumière de nos maisons, de nos amitiés fidèles, du sillage de nos poètes et de la candeur de nos rires.

Et si l'on vous dit que nous sommes un peuple perdu. Ne vous détournez pas. Répondez que nous sommes un peuple courageux toujours debout malgré l'affront des meutes.

Et dites encore, dites toujours, que nous sommes un peuple de paix.

Marion Coudert

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