dimanche 25 mars 2012

Il n'y a plus de printemps

Noria al Salam/Expo ZH2O-Espagne. M.Coudert & N.T.Camoisson
Le sang du printemps 33/...

Quel printemps ? 
Il n'y a plus de printemps. 

Il n'y a que l'annonce du pire à venir. Ce pire-là va s'installer bien sûrement dans chaque ville, chaque quartier, chaque rue, chaque coeur. Le parcours des haines a déjà commencé, voie royale tracée de main de maître par un fou furieux, entouré de ses ombres, vautré dans son palais, vidé de toute humanité. 

Et comme si cette violence déversée sans retenue ne suffisait pas, j'ai désormais de quoi m'indigner sans me lasser. Et m'attrister à la vue des rassemblements contre le régime à Bruxelles où l'on commence par la prière avec l'imam du coin et où l'on répond par un silence éloquent à un retardataire encore ingénu qui lance un malheureux "wared, wared, wared". Sordides comportements qui excluent désormais que cette révolution puisse être partagée par d'autres qui voudraient être présents pour exprimer leur soutien et leur amitié. 

Et m'attrister encore à la vue de ces intellectuels syriano-parisiens qui s'arrogent le droit de décider qui est légitime de participer ou non à la révolution. En un mot, si vous êtes français, allez vous faire sauter le caisson à Homs parce que sans ça les années que vous auriez pu passer à défendre la cause du peuple syrien ne valent rien. D'ailleurs, à bien écouter et regarder ces nouveaux bien-pensants, l'on se rend vite compte que du petit peuple syrien justement, jusqu'au 15 mars 2011, ces grands libérateurs n'en n'avaient cure. Ils ne demanderaient pas à tout va que l'on arme le peuple...

Tant qu'à faire la révolution pourtant, pourquoi ne pas la faire jusqu'au bout ? Pourquoi se refuser à ce changement profond, tant collectif que personnel qui préfigure le renouveau ? Faut-il comprendre que le dictateur a déjà gagné sur les coeurs tant il a su ancrer dans l'esprit de son peuple l'attraction pour le cloisonnement et l'avidité de la solitude ?

Non, il n'y a plus de printemps. Il a séché dans la distance qui m'est imposée désormais et qui m'empêche de rejoindre la voix de mes amis de Hama.
Le cycle des saisons est comme frappé d'amnésie. Il n'y aura plus que le cycle du sang, des larmes, de la rage, des non-retours quotidiens. Et une immense solitude dans le coeur des hommes qui ne trouveront dans ces noires traversées que l'amertume et le goût des responsabilités honteuses.

Et puis, bien entendu, si l'histoire va dans un sens plutôt que dans l'autre, si le dictateur fou et ses cercles obscurs s'effondrent, la question se posera des châtiments et des vengeances. Mais il semble qu'une sombre réponse soit déjà à l'ordre du jour. Plus de pitié, juste des noces de sang pour que la belle terre de Syrie soit souillée jusqu'à l'overdose.

Il y a quelques années, j'ai fait un rêve. C'était un rêve partagé avec le photographe Nicolas Camoisson et les artisans des norias de Hama. Nous avons rêvé et réalisé notre rêve : une noria, grande noria en Espagne, pour l'Exposition Internationale ZH2O. Nous l'avons appelée al Salam, la Noria de la Paix. 

Peut-être ce rêve était-il prémonition, dernière lumière avant la traversée de la nuit ?
Ou peut-être qu'al Salam s'est élevée sur les terres arides d'Aragon pour nous insuffler le courage et l'espoir qu'il y a toujours, dans toutes les tourmentes, des femmes et des hommes d'intelligence, de tolérance et de fraternité.

C'est à eux que je dédie toutes mes pensées.

Marion Coudert

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