lundi 23 janvier 2012

Pour Gilles Jacquier

Le sang du printemps 6/...

L'homme est tombé d'un coup net. Mort. 
Le chaos fait suite immédiatement aux explosions.
L'image ne traduit plus que la panique, les corps que l'on transporte en hâte dans les voitures de fortune, les cris, la bousculade. 
Un groupe d'hommes soulève fiévreusement le corps, l'évacue de la maison touchée jusqu'à un taxi dont le jaune éclatant tranche cruellement dans la scène folle qui se joue-là. 
Une femme suit, court, hurle, puis s'effondre avant de s'engouffrer dans le taxi mais il est déjà trop tard. La fin de l'histoire est inscrite, scellée. Aucune caméra, aucun travelling, aucun chemin pour ramener la vie là où elle est fauchée.
Dès l'annonce de la mort de l'homme, les journaux s'emparent de l'information, flirtent avec l'émotion, affichent accusations et certitudes sans réserve. L'image de la mort de l'homme crispe les jugements et les haines qui montent des deux côtés. 
En filigrane, mal cachée, l'excitation de l'événement. Les temps, en temps de guerre, ne sont pas voués aux larmes. Les victimes collatérales, quelles qu'elles soient, et surtout si elles ont un impact médiatique, servent la propagande, conforte la raideur des positions, alimentent l'argumentaire des stratégies, attise ce qui doit l'être. 
Certains morts ont donc ce privilège posthume de faire couler beaucoup d'encre pour leur sang versé. 
Mais le corps sans vie de l'homme dans ce taxi jaune pour cette dernière course folle est un cri pour la vie, un cri pour l'humain contre le stratège, un cri pour le courage de la neutralité, un cri chargé d'espoir comme un exemple.
Belle voix échouée, un sale mercredi de janvier, dans les rues fracturées d'une ville en partance.
Nom avec mention spéciale à rajouter sur la liste des corps sans vie qui s'amassent, s'entassent et ne se comptent plus.
Qui parle de printemps ? 

Marion Coudert

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