vendredi 20 janvier 2012

Hommage à Mar Moussa, espace de courage

Monastère Mar Moussa, Syrie
Le sang du printemps 4/...

Elle a fait don de sa vie au Christ. Dans le silence de son carmel, elle prie. 
Pourtant, peu après le début du soulèvement, elle s'est lancée dans la politique. Et ses écrits ne laissent pas indifférent. Elle accuse. De bestialité, de traitrise, de terrorisme. Aucune manifestation, aucun manifestant, aucun corps troué par les balles des soldats, aucune scène de torture, ne trouve le chemin de son coeur. 
Elle témoigne à l'inverse, donne des preuves, des faits locaux, affirme qu'elle a vu et que d'autres ont vu. Elle ne néglige aucun détail pour convaincre les lecteurs occidentaux qu'elle sait septiques et qu'elle pense manipulés. Elle déclenche dans la presse et sur la toile de virulentes passions, questions et réponses en forme d'invectives, commentaires sans retenue qui lui donnent raison, soutenant son courage. Et puis des réactions scandalisées, toutes aussi énergiques qui entendent rétablir leur part de vérité. Mais ils sont nombreux à la suivre, à se hisser derrière sa bannière de peur et de condamnations.
Quelle place accorder à cette soeur, à son rôle, à sa responsabilité en tant que femme d'église, en tant que femme tout simplement ? Est-elle la victime d'une propagande qui a trouvé en elle le vecteur idéal et particulièrement zélé pour développer son argumentaire ? Est-elle consciente, compatissante des souffrances d'un peuple, de ses frères et soeurs dont trop d'images dorénavant trahissent le martyre ? Détient-elle une part de vérité ? Et cette part-là doit-elle justifier que l'on occulte tout le reste ?
Le doute n'est-il pas une étape essentielle du chemin de la foi ? Lorsqu'elle prie, demande-t-elle la fin des souffrances de ces enfants qui meurent pour rien ? La foi n'a-t-elle plus rien à voir avec la compassion ?

Face à cette image troublante parce que radicale, sans nuance, sans autre possible que la ligne droite d'un discours sans retour, il est un monastère, perché sur sa falaise, entouré de désert, où un chemin se dessine, où les hommes et les femmes qui y vivent, inventent chaque jour, avec l'élan du courage et de l'amour, un espace pour le dialogue, sans condamner, sans juger. Une présence, juste un présence pour que les liens ne rompent pas, pour que les différences trouvent le chemin de la parole.

Mar Moussa, comme un espoir, persistance de la beauté, choix de la bonté dans la tourmente.

Marion Coudert