vendredi 28 juin 2013

Libres déjà

Elles, amples et généreuses, elles irriguent vos terres, y prolongent la vie, la scandent et l'échafaudent. Elles, reines discrètes et fidèles de votre histoire. Elles, patientes en tout et bienveillantes pour chacun d'entre vous sur les rives du fleuve rebelle. Elles... Depuis des millénaires. Elles, dont la seule loi est le partage, elles se moquent bien des bannières des uns et des drapeaux des autres. Et elles donnent à tous, aiment avec la même constance. Ceux de la marche et ceux de la demeure, ceux du croissant et quels qu'ils soient, ceux de la croix et quels qu'ils soient. Et tous les autres et quels qu'ils soient.

Vous, malgré l'affront qui vous est fait, vous marchez depuis deux ans pour le chant libre de la vie. Vous, malgré la longue nuit qui vous submerge, debout encore, vous ne renoncez pas. Vous, en dépit des meutes qui, jour après jour, s'abreuvent de vos décombres, vous avancez vers la lumière.

De Hama, de Rastan, de Homs, de Deraa, de Damas, Deir ez Zor, Alep, Banyas, Tadmor, Raqqa...
Vous êtes leurs enfants, elles sont votre chemin.
Leur chant est libre et sans obstacle. Vos danses sont la liberté.
Elles, si nobles dans leur mouvement. Vous, si grands dans vos marches.
Elles, fragiles, à l'avenir à peine inscrit, qu'il faut écrire et dénouer.
Vous, tellement meurtris, tant et tant violentés, avec ces lendemains de menaces et de plomb.

Pourtant ces roues... Et leurs bras si puissants pour hisser l'eau jusqu'à la terre, donner la vie, renouveler la sève et l'ombre. Pourtant vos danses... Et vos pas si ardents lorsqu'ils frappent le sol et convoquent la joie.
Leurs chants et vos danses se rejoignent, vous veillez la même terre.

ô mes amis, qui me devenez si lointains, gardez vos coeurs intacts, maintenez vos souffles multiples, ne laissez pas l'affront terminer sa besogne.

Ne quittez pas le chant. Arrimez-vous aux danses. Restez ce que vous êtes.
Libres déjà. Et grands et nobles.
Enfants des reines d'al-Asi.

Marion Coudert




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