mercredi 19 juin 2013

Les enfants courage de Syrie


Les enfants d'Europe terminent l'année scolaire. Leurs regards se tournent, impatients, vers la cour, vers les jeux, vers le ciel,vers les joies de l'été,  au-delà de l'école. 
Les enfants de Syrie, eux, traversent encore l'hiver. Ils marchent sur le sombre chemin tracé depuis deux ans. Ils escortent la mort, la regardent en face, vieux déjà de tant de guerres déployées sous leurs yeux. Ils ont grandi sans préavis, quitté la candeur qui leur est réservée, oublié le goût des jeux.  Ils sont à la plus cruelle des écoles, celle d'une vie de perte, de douleur, de faim et de lutte.

Ils savent désormais que des fous veulent tout d'eux. Plus encore que la vie des femmes et des hommes de Syrie. Plus encore que l'âme fragile de leurs amis, morts déjà en si grand nombre. Plus encore que le ravage des maisons et la dévastation des villes. Ils savent qu'ils sont, depuis le début de la répression, des cibles privilégiées. Et qu'il n'y a pas d'âge, en terre de Syrie, pour être déclaré dangereux, nuisible, ennemi. Et pas de règles non plus. Aucune qui les protègerait. Ils ont compris depuis longtemps déjà que ces fous-là s'acharneront. Et que ce qu'ils convoitent est ailleurs encore, qu'ils s'attaquent précisément à ce qu'ils ne peuvent atteindre.

Mais malgré la si indigne violence qui les blesse et les atteint, les enfants courage de Syrie savent aussi que les fous n'obtiendront jamais ce qu'ils cherchent. Leur lumière. Celle qui rayonne dans la diversité des familles syriennes. Celle qui fait de leurs parents des sunnites ou des chrétiens, des alaouites ou des druzes, des kurdes ou des ismaéliens. Celle qui réunit dans le lointain des exils, ceux qui, hier, n'osaient pas se parler. Cette lumière qui, malgré la peur que l'on fait peser sur leurs épaules d'enfants, les garde solidaires, unis, si forts en ce début de vie. Ce souffle qui les tient debout dans leurs rues défigurées pour arracher de l'implacable main des fous ce que les enfants d'Europe ont comme offrande à leur naissance : la liberté.

Ils savent aussi que le chemin est encore long, qu'ils sont une génération perdue, brisée, si lourdement meurtrie. Ils savent qu'ils sont seuls, qu'il n'y a pas de fraternité au-delà des frontières, aucune compassion chez les grands de ce monde pour leur enfance violée et volée. Peu à peu, depuis deux ans, ils ont compris que leurs vies n'avaient pas la valeur des armes que l'on vend, des contrats que l'on signe, des connivences que l'on défend sous les tables de sommets inutiles.

Mais lucides, ils avancent encore, imaginent encore, sourient encore, espèrent encore.
Ils savent que demain ils auront à reconstruire leurs vies, leur histoire, leur pays.

Ces enfants-là, sous les drapeaux de nos libertés, devraient être les rois.

Marion Coudert

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