vendredi 21 mars 2014

Un jour pour les mamans de Syrie

Dame d'Alep-Syrie. ©Nicolas T. Camoisson
C'est la fête des mères en Syrie aujourd'hui. 
Un jour pour les mamans.
Une journée dans l'année.

Une maman. 
Peu de mots nous réunissent comme celui-ci.
Quels que soient nos horizons, ce mot nous désarme. 
Et nous ramène à ce que nous sommes. Intimement. Au-delà de tout. 
Car tout s'envole avec lui. De nos identités, de nos haines, de nos cloisons.
Que nous soyons d'un clan ou de celui qui lui fait face.
Et de ces rives noyées de sang ou de celles des quotidiens paisibles. 

Une maman. 
Évidemment, ce mot-là ne trouvera jamais sa place sur une table où l'on négocierait.
La guerre est une affaire sérieuse. Il est question de force, de stratégies pour la puissance, d'arithmétique pour écraser, gagner, blesser l'autre, l'annuler.
Oui la guerre est une affaire sérieuse et ces histoires-là sont affaires de bonnes femmes, de divan très cher payé pour pallier, dans le secret, de ces fragilités inavouables ou de poètes au coeur trop tendre.
D'ailleurs on ne négocie pas. La guerre c'est la guerre. L'honneur ultime du pouvoir.

Une maman pourtant.
Les grands les forts les puissants les guerriers peuvent crier autant qu'ils veulent. Et cacher ce qu'ils sont sous des peaux de fureur et d'arrogance. Ils le peuvent. Ils le prouvent. Mais au fond, nous savons tous le prix de ce mot, son bonheur, sa blessure, son ancrage, son essence. Et qui peut dire, des hommes bien construits, savamment représentés, fabriqués à force d'engranger savoirs et expériences, qui peut dire, quand la solitude, la détresse ou la peur cisaille le jour, que ce n'est pas ce mot qui vient les rassurer ? Qui n'a jamais prié, pleuré, murmuré pour la main de sa mère ?

Les mamans de Syrie auront passé ce jour dans la douleur. Aucune pitié pour elles. Pas plus ce jour qu'un autre. La rage est à l'oeuvre. On s'amuse à violer, dénaturer, écarteler, affamer, ravager ce qui est. Et au-delà. Sans faillir. Pour tuer les mères. Vomir la vie.

Chaque jour, j'amène mon fils à l'école. Je l'accompagne à son rythme. Et j'éduque, je partage, pose des jalons, console, m'inquiète, m'émerveille. Et je regarde l'enfant grandir, se construire.
Autour, nos rues sont paisibles.

Les mamans de Syrie sont des mères courage. Parce qu'il n'y a plus d'école. Parce que les tombes des enfants, des maris, des pères déciment les jardins. Parce que l'insulte est le seul horizon. Parce que les foyers, autrefois de chaleur et d'amour, sont de vent, de gravas et de sable aujourd'hui. Parce qu'il faut marcher, affronter l'inconnu, être au-delà de la peur.  Pour les enfants. Pour ceux qu'il faut aider à se construire. Malgré tout, malgré les hommes.

Alors elles veillent, protègent, se battent, fuient s'il le faut et c'est encore se battre.
Et elles avancent dans le silence, héroïnes invisibles. Vaillantes entre toutes.

Mais il n'y aura pas de pause pour elles ce jour-là.
Pas plus ce jour qu'un autre.
Pas de pause pour célébrer la vie qu'elles offrent.

Une maman pourtant.
C'est une affaire sérieuse.
C'est l'affaire d'une vie.
Sans elle, quels matins ?

Marion Coudert

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