mercredi 11 décembre 2013

Bout de chiffon

Petite fille de Hama - Syrie 2007. ©Nicolas T. Camoisson
Relire la déclaration des droits de l'enfant sous la sombre lumière de l'enfance syrienne d'aujourd'hui : 

Principe 1
"L’enfant doit jouir de tous les droits énoncés dans la présente Déclaration. Ces droits doivent être reconnus à tous les enfants sans exception aucune, et sans distinction ou discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou sur toute autre situation, que celle-ci s’applique à l’enfant lui-même ou à sa famille."

Enfants de Syrie. Ils sont plus de 11 000 à avoir trouvé la mort du fait de leur appartenance à une classe sociale, une communauté religieuse ou à une famille qui s'est levée pour la liberté. La mort qui les cerne sans relâche annule le principe premier.

Principe 2
"L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante."

Enfants de Syrie. De la liberté et de la dignité qui leur sont dues, ils ne connaissent que les armes blanches et les tirs des snipers, le gaz sarin et les bombardements. La violence qui leur est faite annule le principe 2.

Principe 3
"L’enfant a droit, dès sa naissance, à un nom et à une nationalité."

Enfants de Syrie. Ils apprennent aujourd'hui que leur nom est un danger et que leur nationalité les rend invisibles aux yeux du monde. Ils sont des milliers sur les routes indignes de l'exil. Le mépris qui écrase leur identité annule le principe 3.

Principe 4
"L’enfant doit bénéficier de la sécurité sociale, il doit pouvoir grandir et se développer d’une façon saine; à cette fin, une aide et une protection spéciales doivent lui être assurées ainsi qu’à sa mère, notamment des soins prénatals et postnatals adéquats. L’enfant a droit à une alimentation, à un logement, à des loisirs et à des soins médicaux adéquats."

Enfants de Syrie. Dans les prisons du pays, la réponse qui leur est donnée est une traversée de la torture. Les prisons ne sont pas des maisons pour ces enfants aux mains de goêliers qui s'amusent avec eux. La souffrance acceptée de ces enfants annule le principe 4. 


Principe 5
"L’enfant physiquement, mentalement ou socialement désavantagé doit recevoir le traitement, l’éducation et les soins spéciaux que nécessite son état ou sa situation."

Enfants de Syrie. Ceux, tout petits, fragiles encore, qui passent seuls, à pied, les frontières. Ceux qui ont vu ce qui est interdit, ce qui n'est plus humain, ce qui n'est que haine et rage. Tous ceux-là sont blessés à l'âme. La non assistance à ces enfants annule le principe 5. 

Principe 6
"L’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, a besoin d’amour et de compréhension. Il doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et sous la responsabilité de ses parents et, en tout état de cause, dans une atmosphère d’affection et de sécurité morale et matérielle; l’enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère. La société et les pouvoirs publics ont le devoir de prendre un soin particulier des enfants sans famille ou de ceux qui n’ont pas de moyens d’existence suffisants. Il est souhaitable que soient accordées aux familles nombreuses des allocations de l’État ou autres pour l’entretien des enfants."

Enfants de Syrie. Dans les camps de l'exil, ils se battent contre toutes les discriminations, contre une vie réduite à la survie. Ils sont enfants de second plan pour les pays voisins et ceux d'Europe qui ne les accueillent que contraints. La maltraitance qu'ils subissent annule le  principe 6.


Principe 7
"L’enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins aux niveaux élémentaires. Il doit bénéficier d’une éducation qui contribue à sa culture générale et lui permette, dans des conditions d’égalité de chances, de développer ses facultés, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales, et de devenir un membre utile de la société.
L’intérêt supérieur de l’enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents.
L’enfant doit avoir toutes possibilités de se livrer à des jeux et à des activités récréatives, qui doivent être orientés vers les fins visées par l’éducation; la société et les pouvoirs publics doivent s’efforcer de favoriser la jouissance de ce droit."

Enfants de Syrie. Leurs écoles de Syrie sont dévastées, occupées, ravagées. A l'intérieur comme dans les pays voisins, la seule école qui prévaut est celle de la rue. Ils n'y apprennent qu'à survivre. Le refus de soin et d'accompagnement de ces enfants annule le principe 7.

Principe 8
"L’enfant doit, en toutes circonstances, être parmi les premiers à recevoir protection et secours."

Enfants de Syrie. C'est le troisième hiver qu'ils traversent. Ils dorment, pour beaucoup, à même la neige. Ils manquent de tout et de l'essentiel. L'abandon de ces enfants annule le principe 8.

Principe 9
"L’enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et d’exploitation, il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit.
L’enfant ne doit pas être admis à l’emploi avant d’avoir atteint un âge minimum approprié; il ne doit en aucun cas être astreint ou autorisé à prendre une occupation ou un emploi qui nuise à sa santé ou à son éducation, ou qui entrave son développement physique, mental ou moral."

Enfants de Syrie. Ils meurent de faim aujourd'hui. Leur histoire est une succession de fuites et de peurs. Ils travaillent comme ils peuvent, là où ils peuvent. Ils sont exploités, sans défense. La protection qui leur est refusée annule le principe 9.


Principe 10
"L’enfant doit être protégé contre les pratiques qui peuvent pousser à la discrimination raciale, à la discrimination religieuse ou à toute autre forme de discrimination. Il doit être élevé dans un esprit de compréhension, de tolérance, d’amitié entre les peuples, de paix et de fraternité universelle, et dans le sentiment qu’il lui appartient de consacrer son énergie et ses talents au service de ses semblables."

Enfants de Syrie. Ils sont seuls. Ils meurent sous les coups répétés des tortures, de la maltraitance, du froid et de la famine imposés. Ils meurent de douleur et d'abandon. Ils meurent de nos silences et de nos égoïsmes. Le refus de l'amitié pour les enfants de ce peuple annule le principe 10.

La déclaration des droits de l'enfant, sous la lumière sombre de l'enfance syrienne d'aujourd'hui, est un bout de chiffon....


Marion Coudert

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