lundi 10 juin 2013

Je vous demande pardon pour mon peuple

Je vous demande pardon pour mon peuple qui vous regarde sans vous voir. Pardon pour ce mépris qui entache  désormais toute parole venant de nous. Je vous demande pardon pour tous ceux qui ont, jadis, visité votre pays, goûté de votre pain, respiré votre poésie, senti votre douceur et qui restent inertes face à votre supplice. Pardon pour ceux qui ont eu une pensée pour vous puis vous ont laissés continuer seuls, lavés de toute mauvaise conscience. Pardon pour ceux que votre si grande souffrance n'atteint pas. Pardon pour ceux qui n'ont vu dans votre révolte qu'une "rue arabe" de plus en mouvement. Pardon pour ceux qui vous accusent d'extrémisme alors que vous êtes otages de toute les violences, de tous les abandons. Pardon pour les intellectuels, les artistes de mon pays, dont la voix porte mille fois plus loin que la mienne, mais dont aucun son n'est sorti pour vous soutenir. Pardon pour ce déni qui est le nôtre de votre besoin vital de liberté.  Pardon pour ces exils indignes que nous préférons taire de peur d'avoir à vous accueillir. Pardon pour la fermeture, discrète mais certaine, des portes de nos frontières et de nos coeurs. Je vous demande pardon pour l'irresponsabilité coupable des femmes et des hommes politiques de mon pays qui ne vous analysent qu'à travers le filtre froid d'une stratégie funeste. Ils ne me représentent plus. Je vous demande pardon pour leurs discours qui vident de leur humanité chaque mot que nous pourrions employer pour vous sauver. Je vous demande pardon pour notre histoire commune à tous que nous brûlons aujourd'hui dans un grand feu d'oubli et de morgue. Pardon pour cette humanité que nous ne vous concédons pas.

Je vous demande pardon pour la beauté multiple qui est la vôtre et que nous laissons s'effacer. Pardon pour votre terre, si noble, labourée des mille tourments de la sauvagerie. Pardon pour cette mémoire de sang et de rage que nous contribuons à vous construire. Pardon pour la haine qui conquiert, chaque jour un peu plus, vos coeurs que j'ai connus si bons.

Je vous demande pardon pour vos enfants, qui devraient être aussi les nôtres, et que nous laissons mourir sans sourciller.

Pardon. 

Marion Coudert.

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