mardi 22 janvier 2013

Nous sommes seuls

Il n'y aurait pas de décompte indécent à inscrire au chapitre de ces nécrologies lointaines. Pas d'enfants dont l'élan anéanti engloutit une part de notre humanité. Pas de viols pour les femmes. Pas de tortures entre des murs sordides. Pas de harangues haineuses pour la levée de drapeaux meurtriers. Pas de labour hystérique d'une terre à la douceur si courageuse. Pas d'obsession convulsive à détruire ce qui était bâti, ce qui parlait d'histoire, raccrochait le présent à l'envie d'avenir. 

Et il n'y aurait pas cette indifférence que la distance et le temps finissent par imposer à nos regards dégradés. Pas de conflits qui effaceraient les souffrances d'un autre territoire sur le papier d'une presse qui n'a plus d'attention que pour sa survie dans l'immédiateté. Pas de calculs obscènes pour briller à parler de la douleur sans traduction possible des enfants, des femmes et des hommes de Syrie.

Il ne resterait que ces instants paisibles dans nos mémoires, quand nous étions, fragiles sans le savoir, mais réunis, ensemble, célébrant de nos bonheurs secrets la beauté des grandes roues, la bonté de la vie, l'écrin précieux de nos amitiés.

Mais il y a ce décompte indécent, l'élan broyé des enfants, le sang noyé dans le coeur des femmes, la brûlure de la vengeance dans les yeux des jeunes hommes. Et le déni assumé des stratèges qui vont ici plutôt que là rendre justice pour le monde.

Nous sommes seuls.

Marion Coudert. 



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