mardi 17 janvier 2012

Fêter la mort comme il se doit

Artisans des pneus - Alep, Syrie- Nicolas Camoisson
Le sang du printemps 2/...

L'idée que l'on ne peut plus revenir en arrière a fait son chemin dans les deux camps. Le décompte sinistre des corps sans vie est bien trop engagé pour que les jeunes, les pères, les mères, les enfants retournent à leur vie d'avant le 15 mars 2011. Et quand bien même, s'ils renonçaient à leur cri, à leur étonnement, à cette joie nourrie, profonde, intacte de l'entendre se répandre, qu'adviendrait-il d'eux ?

Quoiqu'il arrive, il faudra, aux uns et aux autres, aller au bout de leur chemin, de la logique dessinée en un élan, un matin de printemps. Les uns iront chaque jour dans les rues chanter et crier de leur nouvelle voix. Ils iront comme on part à la mort. Ils le chantent déjà, mourir de liberté, quoi de plus ? Les autres devront aussi, chaque jour, boire du sang pour leur maître et ils le chantent aussi. Il leur faudra dépasser l'état d'homme, vivre désormais en une autre dimension peuplée, abreuvée de peurs, de haines diffuses, revigorantes et d'ombres. Et d'ombres qui ne se tairont plus. Ceux-là doivent, plus que tout autre, fêter la mort comme il se doit. Des noces hors limite.

Dans les deux camps, il y aura ceux qui prendront le contre pied, par peur pour les uns, par courage pour les autres.
Et il y en aura pour ne prendre qu'un pouvoir, étourdi de force, ils ne verront plus que cela.

Le reste, la cause avancée, scandée, argumentée, n'est que seconde peau.


Marion Coudert

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