samedi 26 avril 2014

Un pays



Hamza avait treize ans. C'était un 27 mai 2011. Ce jour-là, le corps du petit garçon était rendu à ses parents gonflé de tortures, ravagé de souffrances. Treize ans en Syrie, pour un petit garçon, c'est l'âge du beau passage, les deux pieds dans l'enfance à regarder vers la vie d'homme. Et puis à treize ans, quelle que soit la terre où l'on a vu le jour, on est encore un enfant, avec les rêves d'un enfant, les rires d'un enfant, les élans d'un enfant. Ce 27 mai 2011, dans les rues du pays, deux images d'Hamza ont circulé, tendues par des mains indignées qui réclamaient justice. Deux images : celle d'un gosse au regard doux, un gamin du pays et celle d'un corps méconnaissable de violences, comme sorti de lui. C'est comme ça que le monde entier a découvert l'existence de ce petit garçon simple de Deraa. Durant deux ans, des milliers d'enfants syriens ont rejoint Hamza et ses yeux privés de vie. Ils ont pris ce même chemin sous l'amoncellement des gravas de leurs maisons, victimes des balles des snipers, dans la solitude immense des tortures, fauchés par des massacres fous ou endormis, lâchement, par des gaz meurtriers. Avec le regard d'Hamza, résonnent encore les chants, courageux entre tous, d'un peuple qui a cru au bonheur nouveau, à la fierté légitime, à la liberté essentielle, à l'espoir pour ses enfants.  Ensuite, tout se perd dans le mouvement éteint des enfants, dans l'immobilité figée, rivée au sang des jours de guerre. Et les jeux de dupes s'installent. Et tout est frénésie rageuse, courses à l'analyse, opinions sans fin, si queue ni tête. Qu'importe, la guerre avance, sauvage chaque jour un peu plus, dévastant, annulant. Irez-vous ? Pas ? Quoi d'autre ? Peut-être alors déjà ceux des enfants qui restent, embourbés sur les chemins de l'exil, blessés profondément dans les ruelles des crimes, brisés à l'âme de tant de fureurs. Ceux-là, les veiller, les aimer, leur prodiguer tous les soins de la terre de tous les coins de la terre. De l'amour pour eux.  Les emmener, chacun d'entre eux, vers des espaces où le souffle est possible. Et l'espoir.
Là où le pays et la main se rejoignent.
Là où les loups ont déserté.
Un pays.
Celui d'Hamza.

Marion Coudert.

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