samedi 17 août 2013

Les jours de guerre

©Nicolas T. Camoisson
Les jours de guerre, nos coeurs ne sont pas tranquilles.

Ces jours-là, plus sombres que d'autres, nous entraînent trop loin, sur des sentiers d'où l'on ne peut revenir que fracassés, plus fragiles, brisés de ces fêlures transparentes, rivés profondément aux ailes des enfants partis.

Ces jours-là, sans couleur, tout est tunnels, pudeurs dévastées dans le silence des maisons de solitude, marches souterraines, effrayées. Et nous avons l'âme alourdie par les violences récurrentes, le coeur endurci pour ne pas le noyer. Nous avançons comme les loups, en meutes mais solitaires, dans l'ombre. Loups, louves nous devenons, à force. Dans l'éclat marine du sang, nous perdons pied et traces, mémoires et horizons, jalons et chemin.
Ces jours-là, plus étroits que d'autres, nous sommes attelés à cette seule réalité, celle que le monde a posée de côté pour vivre. Et nous refusons la part paisible de la vie des autres. Les jours de guerre n'existent que pour nous. Et nous n'existons que pour eux.

Ces jours-là, si opaques, plus rien ne nous traverse, nous devenons ces vieilles souches qui plient sous le poids des charniers, dans les amas des pierres dévastées, dans les ruelles défigurées, striées de morts et de brûlures. Et rien ne vient sauver le coeur.

Ces jours-là, trop profonds, il nous faudrait le velouté d'une montagne, presque à l'aube, entre deux, juste avant que ne revienne la lumière. Ou l'air marin d'un horizon allégé de toutes les peines. Ou l'horizon, limpide à lui tout seul, d'une présence amie. Ou un fil secret qui nous ramènerait près du chant des norias quand nous étions secoués de rires et de tendresses dans les jardins longeant le fleuve.

Et que les jours de lumière apprennent doucement à scander les jours de guerre. Et que les jours de lumière s'emparent de nos matins. Et que quoiqu'il arrive, vaille que vaille, nous maintenions l'espoir dans un écrin de fierté.

Mais les jours de guerre, malgré nos avancées, nos courages, nos échappées, nous entravent toujours.

Et nos coeurs ne sont pas tranquilles.

Marion Coudert 

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