jeudi 9 février 2012

Stratégie

Souk aux épices, Damas-Syrie. Photographie N.T. Camoisson
Le sang du printemps 15/...

Cette fois-ci la stratégie consisterait à ne pas se laisser piéger par l'émotion devant les images de la ville secouée par toutes les violences. 
Puisqu'il va de soi que ces images ne sont pas vraies, qu'elles sont le fruit d'une force manipulatrice totalement dominatrice et à laquelle nous, simples citoyens, crédules, influencés, malléables, cadrés, orientés, ne pouvons échapper. Soit.
Il nous faut donc dépasser notre émotion devant le corps perdu d'une fillette et la rage désespérée de l'homme qui la porte puisque cette scène et toutes celles qui s'en rapprochent sont une des pièces fabriquées d'une vaste entreprise de montages, de scénarii, dernière saison live de Homs. 
Soit.
Si nous voulons comprendre les enjeux véritables de ce pays complexe dans cette région complexe, nous devons apprendre à nous défaire de cette propension ridicule à l'émotion qui nous empêche de saisir l'étendue du complot et, de ce fait, de soutenir ceux qui, en réalité, sont victimes des pires agressions et des plus injustes calomnies. Soit.
Il faut un peu d'exercice cependant, car ce n'est pas chose aisée d'arriver à oublier les émotions creusées dans le sillon des mois passés. Les corps inertes jonchant les rues dans les villes du pays. Les pieds des soldats s'amusant à marteler, buriner, compresser les bustes des jeunes hommes. L'homme inconnu saisi en pleine traversée, ciblé, tiré, effondré. Les mains des enfants sans leurs ongles. La peur du vieil homme, à genoux, battu sous les rires, ses larmes. 
Et l'élan d'un peuple, sa force, sa fougue, ses chants. 
Et cette tension unique, incrédule encore, profonde, qui traverse la foule au son de Houria.
L'heure tourne, le temps se dégrade et dégrade tout. L'impatience irritée se lit sur les lèvres. Il faut aujourd'hui redoubler de fureur pour annuler l'émotion et faire advenir le citoyen stratège par nécessité, qui, par une forme d'égoïsme étrange, voudra bien fermer les yeux, discréditer et trahir.

Marion Coudert

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